Comment profiter au maximum des nuits d'Uyuni
Au petit matin, nous découvrons le lever de soleil, tout aussi beau que son homologue du soir. Après un petit déjeuner, les au-revoir de rigueur, nous prenons la route en direction du volcan pour découvrir cette fameuse fête. Emilio, le jeune jongleur équatorien, a la chance d'être de la partie.
Franchir le Salar jusqu'au volcan est moins simple que nous le croyions car nous sommes confrontés au gel de la voiture, qui chauffe, et que nous devons pousser régulièrement... Heureusement, nous finissons par atteindre le village et la voiture se réchauffe enfin.
Au pied du volcan, une troupe de lamas broute paisiblement en bénéficiant des belles lumières et des couleurs contrastées qui émanent des herbes sèches, des plaques de sel, des flaques d'eau et du ciel, toujours d'un bleu profond.
Au village, il n'y a pas grand chose. La fête se prépare et reprendra le midi. Nous attendons sagement et faisons découvrir l'art du jonglage aux enfants du village.
La fête commence enfin. C'est en l'honneur de Saint Antoine de Padoue ; je me sens donc comme à la maison... Nous sommes accueillis par un groupe de musique traditionnelle autour duquel des couples dansent en cercle. On pourrait se croire dans un Fest Noz !! Nous offrons quelques billets aux familles organisatrices et sommes cordialement invités à partager la fête et le repas avec tout le monde.
Là, nous sommes bluffés par la quantité d'alcool qui circule. On nous arrête au beau milieu d'une danse pour nous offrir un plateau de 8 verres d'alcool. Eric et moi en choisissons un chacun, parmi les plus petits, et tentons de revenir à notre place... en vain ! On nous explique alors qu'il faut tout boire, là, cul sec, debout, car ensuite le plateau sera offert à un autre couple... Nous nous plions donc à la règle d'usage, après avoir offert une large dose à la Pachamama qui nous épargne ainsi quelques centilitres !
Avant que le dîner ne soit servi, on nous offre des pop-corns en apéritifs... Pas mal, jusqu'à ce que l'on découvre un morceau de viande non identifiée au beau milieu !
Tout le monde participe : jeunes et vieux, hommes et femmes. Les feuilles de coca font également partie du rituel.
Soudain, la fête se transforme en un immense champ de bataille. Hommes et femmes se jettent au pied des musiciens pour essayer de les faire tomber au sol, tandis que les musiciens continuent, tant bien que mal, à jouer leur musique... la cacophonie réjouit tout le monde et les rires fusent de toute part.
C'est malheureusement l'heure de partir. Il nous faut faire le chemin inverse, traverser le Salar pour revenir au village de Colchani.
Nous roulons une petite heure avant de changer de cap car les montagnes qui sont face à nous ne sont pas celles que nous avions quittées au départ de Colchani. Il est 4 heures de l'après-midi. Quelques centaines de mètres plus loin, la voiture patine et refuse d'avancer. Une fois descendus, nous constatons que les roues avant sont embourbées dans des plaques de sel toutes molles sous lesquelles l'eau du lac stagne... Nos efforts pour dégager les roues sont vains. Le sol est extrêmement spongieux et rien ne tient et ne donne prise aux roues pour sortir de leur trou. Bien-sûr, autour de nous, aucun morceau de bois, mais seulement le sel à perte de vue. Eric essaie d'arrêter une voiture qui suit une piste mais elle est beaucoup trop loin et il revient bredouille. La nuit commence à tomber ; il faut envisager de passer la nuit dans la voiture, à - 15 °C. Heureusement, nous avons des couvertures et une couette et aussi des oranges et un peu de nourriture. Ça sera l'occasion d'admirer les étoiles et le lever de lune, grandiose, le cercle lunaire plein, majestueusement immense quand il commence à s'élever au dessus de l'horizon.
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Merci Didier Tronchet !! |
Au petit matin, Eric part chercher des secours au village. Mais nous n'avons aucune idée de la distance qu'il lui reste à parcourir. De notre côté, j'essaie de rejoindre une piste, mais elles sont beaucoup trop loin et après 1 heure et demi de marche, je préfère rebrousser chemin et revenir attendre à la voiture car sans eau et avec l'oxygène raréfié, il est difficile de faire un effort physique.
Tout le reste de la journée, nous attendons Eric. Louison est hyper zen, accepte le manque d'eau et de nourriture et en profite pour faire beaucoup de devoirs. Le soir tombe sans qu'Eric ne soit revenu... Nous entamons notre deuxième nuit dans la voiture, pas fiers et surtout très inquiets pour Eric dont nous n'avions aucune nouvelle.
Au petit matin, nous grattons la glace sur les vitres de la voiture pour avoir un peu d'eau. Nous partons ensuite tous les trois à la recherche d'une piste. Nous prenons nos dernières oranges et c'est parti pour l'aventure. Après près de 3 heures, et plusieurs désillusions en voyant des véhicules qui, elles, ne nous voyaient jamais, nous sommes enfin sauvés par des 4x4 qui nous accompagnent au village le plus proche. Là, nous buvons et dégustons une soupe. Quelques minutes après la Police arrive et nous rassure sur Eric avant de nous emmener le rejoindre.
De son côté, Eric avait marché 5 heures avant de rejoindre un village. Il est arrivé, de manière improbable, par un terrain de football, au bord du Salar. Comme il commençait à avoir des hallucinations visuelles et auditives et qu'il avait sa main gonflée par un Oedeme, il avait d'abord dû consulter un médecin. Il apprend qu'il est encore à 40 km de Colchani. Ils sont ensuite allés en voiture à l'endroit du Salar où Eric pensait nous trouver. Mais ils ne nous ont pas vu et Eric est donc revenu à Colchani, espérant nous trouver sains et saufs là-bas. Ne nous voyant pas, il ne lui restait qu'à contacter la police.
Au poste, il a d'abord été interrogé plusieurs heures (sait-on jamais, il aurait pu nous avoir étripé !!) et c'est seulement vers 22 heures du soir qu'un 4x4 est parti à notre recherche. Il a tout d'abord fallu changer la direction du véhicule qui s'était cassée. Puis Eric, deux policiers et deux guides sont repartis. Au plus grand désespoir d'Eric, ils ont absolument voulu aller nous secourir au pied du volcan, où bien-sûr, nous n'étions pas... Ils ont réussi à embourber leurs 4 roues. A deux heures du matin, deux policiers sont partis dans la nuit noire rechercher un tractopelle qui travaillait le sel. Le chauffeur du 4x4 (sans klaxon) voulait absolument qu'Eric les accompagne et refusait ensuite qu'il se repose dans le véhicule. Il préférait qu'il reste à crever de froid, trop peu vêtu pour affronter le froid glacial nocturne. Les policiers ont mis plusieurs heures à s'en dégager. Malgré tout, Eric a réussi à se reposer à l'abri du 4x4, sous une couverture. Et c'est seulement, dans la matinée, alors que nous étions déjà partis à la recherche de secours, qu'ils ont enfin acceptés d'aller là où Eric leur répétait que nous étions... pour trouver une voiture vide.
Au final, tout est bien qui finit bien. Nous avons permis aux guides et aux policiers de faire un reportage du tonnerre sur les soi-disant recherches de 18 heures qu'ils ont mené en quadrillant le salar. Ils ont touché un pourboire correspondant à un mois de salaire, qu'Eric est allé retirer à la banque, escorté d'une voiture de police ; ils étaient plutôt satisfaits !! De notre côté, nous étions bien contents que tout le monde aille bien. C'est avec plaisir que nous avons réglé notre dû et avec beaucoup d'amusement que nous avons découvert le traitement de l'information et l'aspect héroïque de nos sauveteurs, qui nous avait un peu échappé... Un reportage est passé en boucle à la radio et à la TV bolivienne, mais aussi équatorienne. A nous d'assumer désormais !!